La migraine – une douleur tenace et lancinante

Nous pensons tous savoir ce qu’est une migraine. Et pourtant, les spécialistes, s’ils ont établi des critères diagnostiques précis pour identifier les patients souffrant de migraines, sont très dubitatifs quant aux causes réelles de la maladie et à la cascade d’événements conduisant à ces douleurs.

Définition
Une affection fréquente
La migraine est à la fois fréquente et méconnue. Fréquente, puisque toutes les enquêtes convergent pour établir à 6 ou 7 millions le nombre de migraineux en France (10 à 12 %
de la population). Sans compter les « migraineux probables » que l’étude Framig 3 (2004) évalue à 10,1 %. Au total, une personne sur cinq serait sujette à ces maux de tête.

Une douleur méconnue
Inversement, la migraine est souvent méconnue.
• Tout mal de tête est aisément appelé « migraine », alors qu’en réalité, sur six épisodes céphaliques douloureux, un seul (15 %) est une migraine. Les autres sont le plus souvent des céphalées de tension (douleur diffuse, touchant toute la tête, survenant plutôt en fin de journée….) ou encore des sinusites (douleur frontale ou maxillaire due à une inflammation des sinus).
• La migraine est volontiers classée dans les affections psychosomatiques, car le stress est souvent un des facteurs déclenchants. Par ailleurs il s’agit d’une maladie à prédominance féminine (3 femmes pour un homme, soit une prévalence estimée par l’Inserm à 6 % chez les hommes et 18 % chez les femmes).
Le fait que cette affection soit perçue comme « féminine » tend à la faire passer pour une « petite plainte quotidienne » alors qu’il s’agit en réalité d’une vraie maladie dont la composante héréditaire, voire génétique, est explorée par les scientifiques. La prédominance féminine est liée entre autres à l’existence de migraines spécifiques de la femme, les migraines cataméniales, qui surviennent, au moment des règles (ou dans les jours qui précédent) et sont consécutives aux modifications hormonales brutales survenant lors du cycle.

Prise en charge
Elle est le plus souvent défaillante pour de multiples raisons.

Le fatalisme prédomine
On entend encore trop souvent cette phrase : « La migraine, on ne peut rien y faire ! ». En réalité, il existe des traitements adaptés, qui peuvent faire avorter efficacement les crises ou diminuer la fréquence de leur survenue (triptans, dérivés de l’ergot de seigle, traitements de fond…). La plus dramatique des migraines, l’algie vasculaire de la face (une migraine qui touche volontiers les hommes fumeurs et que les Anglo-Saxons ont surnommée suicide headache tant elle est éprouvante !) dispose depuis quelques années d’une prise en charge efficace.

Les enfants sont délaissés
La migraine est sous-diagnostiquée chez l’enfant (chez qui elle atteint autant les filles que les garçons), car ses formes sont souvent différentes de la migraine de l’adulte (maux de ventre, troubles visuels et sensoriels ne s’accompagnant pas de douleurs céphaliques…). Pourtant, 5 à 8 % des enfants seraient touchés.

L’origine est incertaine
Enfin et surtout, la migraine demeure pour l’heure une énigme pour les scientifiques. S’ils ont élucidé un certain nombre de mécanismes en jeu, ce qui leur a permis de mettre en place des stratégies médicamenteuses efficaces, l’origine même de la migraine reste mystérieuse. Plusieurs hypothèses, qui toutes ont sans doute une part de vérité, ont été émises :
• une théorie vasculaire, selon laquelle les vaisseaux irriguant le cerveau se contractent, provoquant une souffrance cérébrale, à la suite de quoi les artères se dilatent et engendrent les douleurs de la céphalée
• une théorie dite sérotoninergique. Lors des crises de migraine, on a constaté une baisse d’un neurotransmetteur, la sérotonine, qui joue différents rôles dont celui d’antidouleur
• une théorie dite trigémino-vasculaire : l’activation du nerf trijumeau engendrerait la libération de la substance P, qui provoquerait l’inflammation des vaisseaux proches, leur dilatation et la douleur (P signifie pain, souffrance en anglais). Cette dernière théorie expliquerait à la fois le caractère unilatéral de la migraine et l’auto-entretien de la douleur (la cascade d’événements vasculaires entraînant à son tour… une stimulation du nerf trijumeau !).

Identification
Face à un mal de tête il importe de déterminer s’il s’agit d’une migraine ou non.

Les principaux critères
• Crises durant 4 à 72 heures et débutant en général le matin (entre deux crises, aucune douleur ne persiste).
• Mal de tête intense, pulsatile (au rythme des battements du cœur), fréquemment frontal ou orbital, localisé le plus souvent d’un seul côté du crâne.
• Douleur accentuée par la lumière, le bruit, empêchant bien souvent la poursuite des activités quotidiennes.
• Nausées et vomissements, éventuellement associés.
• Sensation d’euphorie en fin de crise…
Il ne faut pas hésiter à se rendre soit chez le médecin traitant, soit chez un neurologue. Surtout si l’automédication que vous vous prescrivez est échoue à soulager vos douleurs. De plus en plus de consultations spécialisées se sont mises en place dans les services de neurologie des CHU. Depuis septembre 2000, l’hôpital Lariboisière à Paris a ouvert un centre d’urgence pour migraines et céphalées.